"L'apparition cette année de plusieurs phénomènes puissants et très destructeurs, notamment sur tout le pourtour du Golfe du Mexique - on pense à l'ouragan Katrina aux Etats-Unis mais pas seulement - a conduit les autorités dans leur communication vers la population et les média, à relier facilement cette augmentation subite de l'activité cyclonique, déjà forte ces 10 dernières années d'ailleurs, au réchauffement climatique qui s'avère être d'ampleur mondiale.
Pourtant, l'analyse scientifique qui permettrait de confirmer cette hypothèse et donc d'abonder dans ce sens n'est pas aussi facile à établir. Car elle nécessite une étude globale sur un nombre d'années suffisant et tenant compte de tous les aspects de l'activité cyclonique (nombre de cyclones, leur intensité, durée de vie, quantité de pluies, etc.). Etude qui ne peut être sérieusement menée encore à l'échelle du globe sur un échantillon de plusieurs dizaines d'années (plus de 50 par exemple), car les phénomènes à étudier sont des phénomènes essentiellement maritimes, dont l'analyse est facilitée seulement depuis une trentaine d'années par l'utilisation des images satellites.
Mais on sait néanmoins que les cyclones tropicaux se forment en cours et fin d'été lorsque la température de l'océan est suffisamment élevée - 26°C à 27°C sur 30 à 50 m d'épaisseur - cette énergie thermique potentielle à la surface des étendues océaniques étant un facteur nécessaire, mais pas suffisant, des genèses de cyclones.
On sait aussi que la surface de la Terre a subi une augmentation de sa température moyenne de l'ordre de 0,6°C au cours du XX ème siècle. Et que la température des océans, si elle ne réagit pas uniquement et directement à cette hausse thermique, semble aussi s'être réchauffée globalement ces dernières années. De même, l'évaporation a augmenté également au-dessus de ces surfaces maritimes, favorisant ainsi une élévation de la vapeur d'eau dans l'atmosphère, paramètres tous favorables à l'accroissement de l'activité cyclonique …
Pourtant, les travaux menés pour le compte du GIEC (Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat) ne confirment pas vraiment cette hypothèse et indiquent que :
- les régions tropicales sont et seront moins touchées que les régions tempérées par cette hausse de température sur la Terre ;
- conséquence probable d'un ensoleillement moindre dans un grand nombre de ces régions. Il serait réduit par une couverture nuageuse plus étendue résultant d'une évaporation océanique renforcée par l'augmentation de la température ;
- les zones menacées par les cyclones tropicaux ne seraient pas considérablement étendues ;
- le profil particulier des vents en altitude nécessaire à la formation et au développement des cyclones ne serait pas forcément observé plus souvent.
Ainsi, pour le moment, doit-on se contenter d'avancer que le constat effectué à partir de la relative stabilité du nombre de cyclones sur l'ensemble du globe (environ 100 depuis de nombreuses années maintenant) fournit déjà une réponse à la question initiale à l'échelle mondiale, plutôt négative donc.
Le réchauffement climatique n'entraînerait donc pas nécessairement une hausse significative du nombre de cyclones sur l'ensemble du globe, même si l'on ne peut nier l'augmentation constatée d'un plus grand nombre de cyclones intenses ces dernières années, probable conséquence d'une hausse thermique des océans au-dessus desquels se développent ces perturbations.
Par contre, il apparaît que depuis une dizaine d'années, l'activité cyclonique sur le bassin de l'Atlantique et les mers adjacentes (Golfe du Mexique et Mer des Caraïbes) est en augmentation sensible.
Les scientifiques identifient comme cause probable de cette évolution la modification de la circulation thermo-haline sur l'océan Atlantique (dont l'une des composantes est le Gulf Stream). Cette lente circulation océanique est conditionnée par les vents et les marées, mais aussi par les différences de salinité de l'eau. Elle est organisée en courants marins horizontaux et verticaux qui jouent un rôle déterminant dans les conditions météorologiques et le climat des continents avoisinants. Une fonte accentuée des glaces de l'hémisphère Nord, au niveau du pôle notamment, qui est une des conséquences remarquées du réchauffement climatique, a ainsi pour conséquence de faire baisser la salinité des eaux, et à modifier ainsi leur densité, ce qui modifierait de manière profonde les courants océaniques sur l'Atlantique Nord, on parle notamment d'un ralentissement du courant "chaud" du Gulf Stream.
Mais ces changements observés sont-ils irréversibles ou correspondent-ils à des cycles pluri-annuels (de 20 à 30 ans comme certains scientifiques le pensent) ? Sont-ils régionaux, plutôt limités ces dernières années sur l'Océan Atlantique, ou toucheront-ils l'ensemble des bassins océaniques du globe ?
Plus de questions que de réponses on le voit, lorsqu'il s'agit d'établir des relations directes entre le réchauffement climatique et les modifications climatiques qu'il induit, notamment en terme d'activité cyclonique …"