Pollen et climats du début de l'éocène

Identification des microfossiles

Spores : 4 Cicatricosisporites dorogensis; Gymnospermes : 8 Pityosporites microalatus; Angiospermes : 2 Cupanieïdites eucalyptoides, 7 Intratriporopollenites microreticulatus, 6 Monocolpopollenites tranquillus, 3 Pompeckjiodaepollenites subhercynicus, 9 Psilatricolporites cingulum, 5 Spinizonocolpites prominatus, 1 Tetracolporopollenites megadolium; Dinobiontes - 10 Wetzeliella

Environnement et climat de la baie de Bourgneuf

La flore telle qu'elle peut être reconstituée par l'étude des microfossiles apparait composée par quatre types d'éléments : un élément tempéré, minoritaire, constitué d'espèces courantes de nos forêts européennes (comme les fagacées) et de trois éléments majoritaires de climat plus chaud : un élément chaud à subtropical représenté ici par les myrtacées, un élément tropical à subtropical auquel appartient le palmier Phoenix et les sapotacées et, avec Nypa, un élément strictement tropical.

La forêt qui s'étendait autour de la baie de Bourgneuf, au début de l'éocène, était une haute futaie diversifiée luxuriante comme il en existe actuellement dans le sud de la Chine.

La présence de Nypa et de dinobiontes permet de préciser qu'elle était bordée de mangroves ourlant une mer chaude peu profonde.

Mangrove à Nossi-bé - Madagascar

(photo : F.Bouquaheux)

Les mangroves sont des forêts littorales des côtes plates des régions chaudes du globe (entre 30° N et 30°S) ; elles sont riches en espèces arborescentes en peuplement dense mais de taille modeste (15 m au maximum). Pour survivre sur ces sols peu aérés, beaucoup font sortir de la vase de longues racines respiratoires appelées pneumatophores.

Cette végétation caractérise un climat chaud et humide

D'autres sites du même genre ont été retrouvés ailleurs dans le massif armoricain. Ce type de végétation s'étendait donc à une vaste région bénéficiant du même climat. Le massif armoricain se trouvait alors à 10° en dessous de la latitude actuelle, comme toute l'Europe au travers de laquelle s'observait la même végétation. L'absence de glaces aux pôles (depuis la fin de l'ère primaire) favorisait l'existence de larges ceintures de végétation. La Thétys, dont la Méditerranée représente un vestige, ouverte aux deux extrémités, connaissait alors un climat de mousson chaud et humide. Les glaces ne réapparaitront au pôle sud qu'à l'oligocène entraînant d'importantes modification climatiques.

Les grès à sabal qui surmontent les sapropèles - palmier déjà présent dans ceux-ci - sont l'indice d'une intense érosion sur le continent. Ils sont le résultat de la consolidation des sables et cailloutis qu'apportait un puissant fleuve venu du Berry, identifié il y a une dizaine d'années et baptisé Ypresis. La baie de Bourgneuf se trouvait ainsi sur la rive sud de son vaste delta parcouru par des courants qui ont laissé leur trace dans les sédiments sous forme de stratifications entrecroisées et jalonné actuellement jusqu'au sillon de Bretagne par d'épais dépôts sableux.

Pollen et climats quaternaires

Le diagramme pollinique

Les spectres polliniques :

Niveau - 20m : pin, poacées, armoise, hélianthème.

Niveau - 30m : bouleau, chêne, noisetier, charme, sapin, hêtre, épicea, pin, poacées, armoise.

Niveau - 35m : bouleau, chêne, noisetier, buis, charme, sapin, épicea, pin.

Coexistences et exclusions :

Espèces coexistant fréquemment :

bouleau, pin, poacées, armoise, hélianthème. chêne, noisetier, charme. sapin, épicea, pin.

Espèces jamais ensemble :

L'armoise, d'une facon générale, est incompatible avec une végétation de type forestier et plus particulièrement avec les espèces à feuilles caduques, bouleau exclu.

* Remarque :

Les zones C et surtout E des Echets, bien qu'elles soient caractérisées par un pic d'armoise, ne sont pas dépourvues de grains de pollen de quelques feuillus mésophiles (certes en petite quantité) au contraire des mêmes zones de la Grande Pile. Ce mélange résulte d'un phénomène, parfois observé pour des fossiles variés à différentes époques : le remaniement par l'érosion puis le nouveau dépôt des sédiments de la période antérieure qui les contenaient.

Reconstitution de la végétation

Le hêtre n'a été bien présent qu'autour du niveau - 33m. Le bouleau, au contraire, est presque constamment observé pendant toute la période considérée même si ce n'est parfois que faiblement.

De - 36.5m a - 34m, le boisement, d'abord constitué de pin et de bouleau, a évolue ensuite en forêt de feuillus : orme, puis chêne, noisetier et charme. Elle est ensuite remplacée par une forêt de conifères : sapin, épicea (et à nouveau pin et bouleau).

Cette succession se renouvelle deux fois.

De - 24240 ans à un peu plus de - 15000 ans, la steppe caractérise l'état zéro.

L'abondance du pollen de pin ne doit pas suggérer une présence forte de ces arbres. Comme on l'observe actuellement dans les zones périglaciaires, il s'agit d'apports lointains qui prennent une grande importance relative du fait de la réduction de la végétation locale.

Synthèse : Les variations climatiques

Ce cycle climatique - réchauffement, refroidissement - s'est répété deux fois au cours du préwurm. On notera la présence du hêtre autour du niveau - 33m.

L'eémien correspond à un interglaciaire. Le refroidissement qui lui a succédé n'a donc été ni brutal ni continu : il a été au contraire marqué par des oscillations qui aboutissent finalement au froid intense du wurm.

Remarque :

Les cistacées sont en grande majorité des espèces de milieux chauds. Certains hélianthèmes croissent cependant dans les steppes.

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Sources utilisées

1 - OLLIVIER-PIERRE Marie-Francoise Etudes palynologiques (spore et pollens) de gisements paléogènes du massif armoricain. Stratigraphie et paléogéographie. Mém. Soc. Géol. minéral. de Bretagne 25 1-239 Rennes, 1980.
2 - REILLE Maurice Leçons de palynologie et d'analyse pollinique Editions du CNRS, 1990
3 - REILLE Maurice Pollen et spores d'Europe et d'Afrique du nord - vol. 1, 1999
4 - Carte géologique a 1/50 000 Ile de Noirmoutier BRGM 1978
L'exemple de diagramme pollinique (les Echets) est tiré de l'ouvrage cité (2) de M. REILLE.
Les cartes de répartition sont le produit de la compilation de sources diverses.

 

Ce travail a pu être réalisé grâce aux conseils de Madame M.F. OLLIVIER, de M. M REILLE (Institut méditérraneen d'écologie et de paléoécologie - faculté des sciences de St Jérome Marseille) et de Monsieur L. VISSET (Laboratoire d'écologie et des paléoenvironnements atlantiques - Faculté des Sciences et des Techniques de Nantes) . Ils ont bien voulu permettre, la reproduction de certaines de leurs photos et de leurs documents. L'auteur leur exprime sa vive gratitude.